Un beau dimanche où j’ai refait connaissance avec Marc-Aurèle Fortin
En ce dimanche pluvieux et froid de mois de mai, je me suis permis de sortir ma couverture et d’aller à la rencontre de Marc-Aurèle Fortin: un artiste phare au Québec. J’ai eu l’impression de faire connaissance avec l’homme et l’artiste une deuxième fois et je tenais à vous le présenter (ou vous le re-présenter) aujourd’hui.
D’abord, je me présente : Anaïs Girardot. J’ai un BAC en histoire de l’art, je suis évaluatrice et consultante en matière de collection d’œuvres d’art depuis plus de 4 ans. Des «Marc-Aurèle Fortin», j’en ai vu plus d’un au court de ma jeune carrière! Je croyais que cet artiste, prisé par plusieurs collectionneurs, n’avait pas de secret pour moi. Et pourtant, si…
Ce que je savais..
Marc-Aurèle Fortin est un grand maitre Québécois, né à Sainte-Rose en 1888 et mort en 1970 à Macamic. Il était un peintre et aquarelliste talentueux qui a su représenter les paysages québécois comme aucun autre artiste ne l’avait fait avant lui. Fortin a su donner une âme à ses sujets. Les arbres par exemple, dont émanent à la fois quiétude, force, sérénité et rigueur: caractéristiques à l’image de l’homme que j’ai rencontré ce dimanche dernier.
Depuis son tout jeune âge, Marc-Aurèle Fortin savait qu’il deviendrait un grand artiste. Malgré le fait que son père, juge de paix reconnu, n’a jamais voulu encourager le talent artistique de son fils. Malgré la critique qui n’a pas toujours été bonne à l’égard de son art et même parfois à l’égard de l’homme simpliste et sobre qu’il était. Marc-Aurèle Fortin a toujours eu la même détermination à devenir Grand. Nonobstant les faibles moyens que l’artiste avait pour se déplacer sur de longues distances (transport de l’époque et moyens monétaires), Marc-Aurèle Fortin avait l’ambition de représenter la beauté de nos paysages québécois. L’artiste a parcouru des milliers de km, en train, en voiture, en goélette et même (et surtout) à vélo afin de dénicher les plus belles vues du Québec, et de nous les réinterpréter à sa façon. De Sainte-Rose à Montréal, de Saint-Siméon à Gaspé, du Saguenay à la ville de Québec, les huiles et les aquarelles de Fortin témoignent ce pèlerinage empreint de beauté et de magnificence, mais aussi de ténacité et de volonté.
Ce que j’ai découvert sur Marc-Aurèle Fortin
Au court de mes lectures, j’ai aussi réalisé que Marc-Aurèle avait reçu une formation académique assez sommaire. Selon lui, un artiste qui souhaitait se développer dans toute sa splendeur ne devait pas trop «coller» à son maître, pour éviter que le maître en question ne déteigne sur lui. Il a donc poursuivi sa formation de manière autodidacte, en observant certes l’œuvre des Maitres, de la Renaissance jusqu’à ses contemporains, mais également en prenant le temps d’observer. Un regard attentif sur l’ombre et la lumière, l’étonnante palette de couleurs que la nature peut nous offrir, la définition de la forme et toute sa perspective.
Et puis, j’en ai appris un peu plus sur la fin tragique de la carrière de ce grand homme… Saviez-vous que Marc-Aurèle Fortin a achevé sa vie les deux jambes amputées? Cette amputation a été causée par la gangrène et la sévérité de son diabète. À la suite de sa première amputation, il a dû appeler à l’aide tant pour qu’on s’occupe de lui que de son marché. Celui qui a répondu à l’appel fut un homme mauvais, un profiteur et arnaqueur: Albert Archambault. Il a liquidé les œuvres sur lesquelles il pouvait mettre la main et il a négligé l’aide et les besoins de ce pauvre homme, cloîtré dans sa chambre pendant au moins 6 ans. Heureusement, un collectionneur et ami de l’artiste a réagi suite à la non-réponse de Marc-Aurèle et est venu le chercher, ce qui lui a permis de vivre ses trois dernières années dans la dignité qu’il méritait. Pendant tout ce temps, où le malheureux subissait l’horreur, Marc-Aurèle Fortin n’a pas cherché à se plaindre. Il a même affirmé lors d’une entrevue après cet «enlèvement», qu’il n’y avait rien à y faire, que tout ce qu’il lui restait, c’était d’attendre la mort.
Dimanche dernier, j’ai ressorti ma couverture et me suis préparé une tisane afin de revisiter l’œuvre de Marc-Aurèle Fortin, parce qu’en cette grise journée, j’avais besoin de réconfort, de chaleur et de magnificence. En refermant le livre, j’en suis plutôt ressortie avec une leçon de ténacité, d’engagement et de persévérance. Je vous souhaite sincèrement de vous entourer d’un Marc-Aurèle Fortin, dans votre salon, votre cuisine ou peut-être dans votre salle d’accueil ou votre salle de conférence à votre bureau, afin de pouvoir en retirer toute la force que l’œuvre peut s’y dégager. Si le portefeuille ne le vous dit pas pour le moment, sachez que nos musées québécois regorgent de ces chefs-d’œuvres et qu’ils sont accessibles à tous dans les collections permanentes de ces derniers. Sinon, faites comme moi : Sortez vos pantoufles et votre couverture, préparez-vous un chocolat chaud ou une tisane, et allez rencontrer l’Artiste en ouvrant votre livre, Marc-Aurèle Fortin, grand maitre Québécois, homme de conviction, de beauté et d’inspiration.
Source: Michèle Grandbois (sous la direction de), Marc-Aurèle Fortin. L’expérience de la couleur, Montréal, Les Éditions de l’Homme, «Musée national des beaux-arts du Québec», 2011, 303 pp. (Cet ouvrage accompagne l’exposition Marc-Aurèle Fortin. L’expérience de la couleur, organisée par le Musée national des beaux-arts du Québec et présentée du 10 février au 8 mai 2011.)